Chercheurs d'étoiles

Mimi Lépine

De l’atelier de San Miguel à l’atelier de l’Île

 

S’éloigner, quitter ses repères, son aire protégée. Se mettre ainsi en danger pour avancer, aller au-delà.

 

Un chevalet loué dans l’atelier d’un peintre à San Miguel de Allende. Espace exigu soumis aux regards inconnus, matériel de campagne, désarroi de l’âme. J’ai quitté à dessein une pratique picturale sécurisante pour tenter d’aborder un rivage intérieur inexploré.

 

J’ai travaillé couleurs et textures afin de traduire dans l’abstraction les impressions et les sentiments qui m’habitaient. Je me suis attachée à soigner l’organisation du propos. Exprimer l’essentiel, le plus exactement, dans une frugalité généreuse. Simplifier, resserrer, élaguer. Gratter pour dire de nouveau. Chaque toile devenant palimpseste.  Avancer avec la crainte de sacrifier des éléments clés dans l’effervescence de la recherche.

 

À force de débusquer à coups de spatules les révélations de couches sous-jacentes, des allusions androïdes sont apparues. Je les ai acceptées dans leur état d’anecdote évanescente, en ce qu’elles enrichissaient le texte.

 

Je suis retournée dans l’hospitalité confortable de mon atelier de l’Île, habitée par l’élan d’un ailleurs à peine entrevu. J’ai repris mon exploration avec gourmandise, rassérénée par l’éventail de couleurs, pinceaux, spatules et la variété de formats de toiles retrouvés.

 

À travers le jeu dialectique des nuances, des lignes et des textures, des personnages se sont imposés. Ils arrivaient chargés de leur histoire. Porteurs des  grandeurs et des misères de l’humanité errante en quête de sens, ils m’ont fascinée, touchée. Je me suis attachée à les saisir. Je devais raconter leur histoire. Je leur ai permis d’émerger dans l’émotion du geste créateur. Pour faciliter leur avènement, j’ai épuré avec tendresse, ne retenant que les éléments picturaux révélateurs. J’ai tenté de leur aménager un nid de sobriété éloquente.

 

J’ai plongé dans l’ardeur de leur souffrance et la fragilité de leur plénitude. J’y ai reconnu les échos de mes heurs et malheurs. J’ai entendu les voix  envolées et les cris apaisés. Je les ai aimés dans la sororité des âmes. Je voudrais les avoir retracés  justement.

 

 

Île d’Orléans, août 2009

 

Texte de Françoise Le Gris

Professeur d'histoire de l'art, UQAM

 

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