DÉMARCHE ARTISTIQUE

Mimi Lépine

 

Avant d’aborder la création d’une œuvre picturale ou d’une série, je sens la nécessité profonde de me ressourcer. Je m’imprègne alors avidement d’un texte musical ou littéraire. Je le fréquente assidûment, sans jamais savoir en quoi, ni comment ma création en sera influencée. C’est d’ailleurs toujours une surprise d’en identifier les traces, une fois mon travail créatif abouti.

 

Rassérénée par ce compagnonnage intensif, je me sens soudain la force de plonger dans le vide. Devant chaque toile blanche, j’accepte de quitter mes repères, de me mettre en danger, d’aborder l’inconnu du geste créateur en me promettant d’accueillir les interpellations qui surgiront dans son sillage. C’est la condition sine qua non pour avancer. Entrer dans le changement, c’est se perdre un peu, tout en préservant la trace fondatrice.  C’est s’aventurer vers la part austère et retranchée de son être. Un périple susceptible de nous réserver bien des surprises.

 

Sur la toile, débusquer de strate en strate l’essentiel de soi, l’essentiel pour soi. Et y rencontrer en parallèle l’humain, son frère, là où nous nous rejoignons tous, dans la quête du sens profond. Accéder à l’exigeante incertitude de cette quête. Créer sa vie et sa peinture tel un palimpseste.

 

Raturer, effacer, sacrifier, pour réécrire le texte nouveau. S’embrouiller pour finalement comprendre.  Douter et poursuivre. Je travaille couleurs et textures en mixant différents médiums afin de traduire, dans l’abstraction d’abord, les impressions et les sentiments qui m’habitent.

 

Puis, je m’attache à soigner l’organisation du propos qui en ressort. Exprimer l’essentiel le plus exactement, dans une frugalité généreuse. Simplifier, resserrer, élaguer, retrancher, gratter pour dire exactement. Avancer malgré la crainte de sacrifier des éléments clés dans l’effervescence de la recherche.

 

À force de débusquer à coups de spatule les révélations de couches sous-jacentes, des allusions apparaissent. Je les accepte dans leur état d’anecdotes évanescentes et j’essaie de les amener à leur pleine signification. Je suis toujours étonnée par la cohérence et la profondeur du texte pictural qui se dégage d’une œuvre ou d’une série longuement  mûrie et travaillée.

 

Une fois les œuvres achevées, elles continuent souvent de m’interpeler. Je sens que je n’ai pas tout dit. C’est alors que j’entre, souvent malgré moi, dans un processus d’écriture. Le texte devient complémentaire de l’œuvre. Il trace la voie aux multiples interprétations possibles, incitant le spectateur à trouver sa voix intime.

 

Mimi Lépine, tous droits réservés