Tracer sans relâche au fil des ans ces dessins de mémoires m’amène plus avant au cœur d’une zone riche et secrète dont j’essaie de traduire l’indicible. Rejoindre certains mystères de l’âme humaine en débusquant les strates successives d’un paysage intérieur. Reculer les frontières de la mort, par l’affirmation et la célébration de la vie dans toute sa crudité, sa cruauté, sa beauté.

 

Portée par la couleur qui m’interpelle de façon souvent inopinée, j’explore  à coup de spatule, de pinceau, de chiffon. Je joue avec l’acrylique, les pastels à l’huile et les collages. Je superpose couleurs et textures Je suscite des transparences. Je cultive la spontanéité du geste. Je cherche à me surprendre avec des éléments nouveaux, des combinaisons inhabituelles. J’accepte l’inconnu d’un texte pictural qui m’entraîne toujours plus loin dans la quête incessante d’une clarté immanente. À travers cette recherche, je tends à développer un vocabulaire cohérent qui me permette de dire plus efficacement.

 

De strate en couche, je poursuis obstinément cette lumière surnaturelle du jardin de l’enfance. Paradis si tôt perdu, recueil de forces vives toujours intactes. J’essaie d’appréhender l’élan premier du geste, la spontanéité de l’expérimentation, la saveur des émois. J’oublie peurs, contradictions, malaises, culpabilités. J’arrive à recréer le souvenir de certaines parcelles de ce monde enchanté. Je reprends ainsi le fil du temps perdu. Je ravive les mémoires ancestrales. Je ressuscite un parfum de magie et d’évasion où tout s’avère encore possible. J’essaie d’en communiquer la promesse.

 

Ces chroniques du jardin retrouvé marquent une de ces pauses bénies où l’on aime se croire enfin arrivé. Images d’un retour à soi au cœur de l’inaltéré, hiatus pacificateur dans cette quête universelle de l’Homme errant.

 

Texte de Françoise Le Gris
Professeur d'histoire de l'art, UQAM

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